Faut que j'vous dise, "Journal de Nord - Jours 18, 19 et 20"
Samedi 04, dimanche 05 et lundi 06 avril 2020
18, 19, et 20e jours de confinement. 4, 5 et 6e jours de traitement, 1er, 2e et 3e jours sans les enfants
Il n'est pas facile de faire face à l'absence. La chose s'avère d'autant plus compliquée lorsqu'on passe plusieurs semaines seule avec ses petites lucioles H24 et que du jour au lendemain, les virus ne sont plus là. Au-delà de l'absence, on se retrouve face au silence. C'est fou comme des cris ou juste des mots et des phrases lancés sans interruption meublent une maison, une vie.
Je ne veux pas compter les jours. Je ne veux pas penser à eux, à ce qu'ils font. Je suis contente de les avoir au téléphone et j'essaie de prendre de la distance psychologique pour ne pas trop ressentir le manque.
Il n'en va pas de même quand j'ai leur père. Je perds mes moyens, je craque.
Je vais me noyer dans les séries TV. Me dépenser dans le ménage et le rangement. M'obliger à coucher par écrit tout et n'importe quoi. Prendre la plume et le pinceau, exorciser ma vie sous des traits et des mots. Que les douleurs s'effacent sous les coups de gomme, que la chaleur m'enlace en peinture monochrome. Un dessin pour une peine, un texte pour exprimer ma haine. Des formes qui se mêlent en une anamorphose, des récits qui m'entraînent, les mots comme en osmose. Me perdre dans les mots, entrer dans des histoires, sortir d'un tableau, m'extirper de ce noir. Que les muses m'accompagnent dans l'expression de ma souffrance, que l'inspiration naisse de la musique de ce silence.