Ras-le-bol de la dictature de l'allaitement
JE M'INSURGE, HAUT ET FORT. Encore un article pro allaitement*. Tous les moyens sont bons pour forcer, euh, je veux dire encourager les mères et futures mères à donner le sein à leur bébé. Ici, le journal titre « L'allaitement maternel est bénéfique pour la mère et l'enfant ». Que doit-on comprendre ? Que doit-on en déduire ? Le biberon serait, à l'inverse, néfaste ?
Le sous-titre nuance : « Les femmes doivent néanmoins rester libres de donner le sein ou non ». Mais quand même, le discours qui est tenu dans les maternités ou dans ce genre d'article est plutôt culpabilisant. On te donne du « l'allaitement c'est bien, c'est merveilleux et en plus, c'est ce qu'il y a de meilleur pour votre enfant, c'est plein de bonnes choses pour lui, etc. » Après, on fait tout de même preuve d'ouverture d'esprit avec un petit « on ne force pas, vous pouvez donner le biberon ». Mais juste derrière, on te lance une dernière phrase assassine : « mais le lait maternel c'est ce qu'il y a de meilleur ». Et la culpabilisation va même plus loin car même si tu as fait le choix de donner le sein, on peut encore te donner le sentiment d'être une moins bonne mère parce que l'OMS a décrété qu'il fallait donner le sein pendant les six premiers mois de l'enfant et toi, mère honteuse, tu as arrêté à la reprise de ton travail. Et c'est bien mis en avant dans un petit encart vert : « 65% des femmes allaitent à la sortie de la maternité, mais sept sur dix arrêtent quand elles reprennent le travail. » On se demande bien pourquoi. Je suis sûre que nos patrons seraient pourtant ravis de nous voir arrêter notre activité professionnelle plusieurs fois par jour pendant au moins vingt minutes (on n'a pas toutes la même vitesse de traite !) pour tirer notre lait. Cependant, j'admire les mères qui arrivent à faire cela.
Attention aux petits gros pas très malins
Pour convaincre la mère hésitante, le personnel médical et les journalistes n'hésitent pas à nous sortir du chiffre et des faits : l'allaitement est bénéfique pour le développement sensoriel et intellectuel des nourrissons, prévient les risques d'obésité, de maladies cardiovasculaires... Cela donne l'impression que le bébé nourri au biberon sera malade, peut-être obèse, voire stupide, du moins pas un futur prix Nobel. J'ai été nourrie au biberon, j'ai fait de longues études, je n'ai pas de problèmes de poids (enfin, si, j'ai encore quelques souvenirs de ma grossesse mais je ne les porte pas trop mal !) et mon cœur bat correctement.
Autre avantage avancé, l'allaitement, c'est bon pour la maman. Et pourquoi, comment ? « La perte de poids et la diminution de la masse graisseuse est plus rapide dans les six premiers mois après l'accouchement. » Décidément, je dois être l'exception qui confirme la règle ! J'ai allaité, non parce que j'ai senti le regard pesant des sages-femmes et autres médecins mais parce que j'en avais envie. Et bien, comme je l'ai dit précédemment, la masse graisseuse a dû trouver que mon ventre était un lieu agréable et s'y est installée confortablement et même, s'est bien accrochée ! Mais là, nous sommes juste face à une injustice de la nature. Certaines femmes ressortent de la maternité aussi mince que le jour où elle avait conçu le bébé et d'autres pas !
Et enfin, l'argument qui fait mouche, surtout en cette période de crise, c'est plus économique que les biberons. La journaliste va même jusqu'à écrire : « nourrir son enfant au sein ne coûte rien ». Je suis d'accord sur le fait que c'est plus économique mais soit la journaliste n'a pas (encore) allaité soit elle ne se souvient plus mais on ne peut pas dire que cela ne coûte rien. Il faut acheter des soutien-gorges d'allaitement, parfois même, quelques T-shirts prévus pour cela, des petits coussinets d'allaitement pour éviter les auréoles, de petites coques également pour recueillir le lait pour divers usages si bénéfiques (prévenir ou soigner les crevasses, soigner les croûtes de lait du bébé...), investir dans un tire-lait qui te donne vraiment l'impression d'être la vache nourricière la plus sexy face au papa (cela dit, on peut aussi en louer en pharmacie mais il faut quand même acheter le kit). Bref, je ne trouve pas que l'allaitement ne coûte rien.
Il faut respecter le choix des futures mamans
L'article essaie néanmoins de relativiser en précisant que les recommandations de l'OMS sont surtout destinées aux pays les plus pauvres dans le but de faire diminuer la mortalité infantile par infections. L'un des médecins interrogés ajoute que « C'est aux femmes de décider […]. Nous devons être respectueux de leur choix. » Et oui, car il y a des risques que cela se passe mal si la mère n'a pas envie de donner le sein mais le fait tout de même sous la pression.
Alors, arrêtez de culpabiliser les mères qui veulent donner le biberon. D'abord parce que nous sommes libres de faire nos choix comme nous l'entendons. Ensuite, parce que vous ne pensez pas aux mères qui aimeraient donner le sein et qui ne peuvent pas et que vos insistances font souffrir.
*Le Figaro n°21183 du lundi 10 septembre 2012