Depuis que le père de tes enfants et toi-même êtes séparés, tu es passée de « Mais si tu es une bonne mère » à « Les enfants m’ont dit que… » sur un ton de reproche.
Car bien sûr, tout ce que rapporte les enfants est toujours un récit fiable des évènements avec des paroles restituées de façon exacte et clairement replacées dans le contexte afin d’être correctement interprétées. Dans ce cas, à la lumière de cette vérité sur la parole de nos progénitures, tu ne peux que croire mon enfant quand il t’explique que son géniteur lui a interdit l’accès aux commodités pendant une certaine durée un après-midi, alors qu’il devait urgemment s’y rendre. Et donc, à ton tour, tu devrais t’insurger, t’offusquer et manifester ton mécontentement, voire ton choc face à l’horreur de la situation en utilisant du vocabulaire tel que inadmissible, inacceptable. Car naturellement, tu prends pour argent comptant tout ce que raconte l’enfant de parent séparé.
Car là où il te faisait confiance, les choses dans lesquelles il n’avait jamais fourré son nez, ce que tu faisais pour et avec eux qu’il regardait de loin. Désormais, il y met de la méfiance, du jugement, de l’accusation. Il cherche la petite bête pour pointer du doigt dès que possible ton incompétence. Pour te faire douter voire culpabiliser.
Parce que du haut de son statut de père qui voit ses enfants environ toutes les 4 semaines pendant en moyenne 4 jours et demi sur un temps dépourvu d’activité scolaire et de lever aux aurores, il peut juger de ce que tu fais mal toi qui a les enfants H24 pendant les semaines scolaires, qui doit les lever chaque matin, préparer les repas, penser à racheter les culottes que ta fille cache, les conduire partout tout en les éveillant culturellement, artistiquement, musicalement, développement durablement, etc.
Car on est si facilement redoutable avec soi-même (« tu n’es qu’une merde », « une mère indigne », « une incapable », « regarde il pleure, c’est de ta faute ! »). Toi qui as toujours été dans le doute. Tu te sens blessée, attaquée, obligé de te défendre et te justifier. De devoir faire cela pour des actes ou des démarches qu’il ne te reprochait pas, avant, quand tu étais la seule femme de sa vie. Maintenant, tu es celle qui éduque mal ses enfants. Ses enfants qui vivent à 550km de lui parce qu’il ne veut pas venir vivre ici ! Lui qui vit seul (enfin normalement) et qui ne doit penser qu’à lui à longueur de journée. « Alors Gérard², tu veux manger quoi ce midi ?; « Gérard, tu veux rester à la maison toute la journée affalé dans le canapé à regarder la télé ? » ; « Dis-donc Gérard, il faudrait penser à se lever, il est tout de même 11h30 et tu n’as rien à faire aujourd’hui ».
Des fois, tu voudrais lui dire : « Mais bien sûr que je suis une mauvaise mère. Mais évidemment que là où je leur achetais des fringues 3 fois par mois, maintenant, je ne leur mets que des vêtements troués et tachés ! ». « Mais évidemment que je les laisse souvent seuls à la maison. Et même ailleurs, au supermarché, à l’école ou à la garderie où je les oublie régulièrement, partout où je peux pour m’en débarrasser. » . « Mais bien sûr que je les laisse des heures devant la télé à s’abrutir devant des dessins animés débiles ou des vidéos Youtube non adaptées au lieu de les emmener dans des musées ou tout simplement dans la nature pour les ouvrir à la beauté des arbres, des fleurs et des petits oiseaux. » « Et on ne peut pas pleinement rater une éducation sans leur servir des gros mots à longueur de journée. C’est évident ! Et vas-y que je leur balance des putains et des merde, fais chier ! Et directement à leur encontre aussi, petit con, sale chieuse, vous me pétez les couilles. En espérant bien qu’ils les répéteront afin que tout le monde sache bien à quel point je suis une mère horrible. »
Mais tel un fonctionnaire, tu gardes un devoir de réserve. Tu pestes intérieurement. Tu pestes très extérieurement avec des copines, qui ont des ex accusateurs elles aussi. Les oreilles de ces messieurs doivent parfois bien siffler. Parce qu’il faut bien que tu relâches un peu la pression perpétuelle que tu as sur les épaules. Parce que tu as l’obligation de tout faire et de bien le faire, tout le temps. En tout cas, c’est l’impression que tu as ! « Oh non, je ne peux pas lui laisser ce pull, il a une micro tache, son père va le voir ». « Je ne peux pas la laisser partir comme ça, sa queue de cheval ne ressemble plus à rien. Il va croire que je ne la coiffe pas. » « Bon alors, j’ai mis 3 pantalons, 4 pulls et 4 t-shirts, 5 paires de chaussettes et 5 slips au cas où, pour le week-end, je ne voudrais pas qu’il me dise que je les donne sans rien. » « Oh fichtre (et oui, parfois, des gros mots t’échappent en effet), je leur ai crié dessus parce que ça fait 15 fois que je leur demande de débarrasser leurs assiettes, ils vont le dire à leur père qui va me faire une remarque ».
Tu vis dans l’angoisse et le stress. Pas étonnant que tu ne sois pas la super Maman que tes enfants méritent et la super Nana que tu mérites d’être. Mais merde, putain, fais chier (oui, parfois tu dis vraiment des gros mots), il faut arrêter de te laisser bouffer, culpabiliser. Non, tu n’es pas parfaite. Tu ne l’étais pas avant, tu ne vas pas l’être maintenant. Oui, tu vas faire des erreurs, tu vas crier, tu vas dire une ou deux grossièretés. Et même que parfois, ce sont aussi des hommes qui se retrouvent avec cette épée de Damoclès du jugement parental au-dessus de la tête et craignent les remarques et reproches de la génitrice de leurs enfants.
Respire. Pète un coup ! Quoiqu’il arrive, tu resteras la mère de tes enfants. Ton ex restera leur père également. Laisse glisser ses maux et ses mots sur ta carapace de mère imparfaite pour que le flot de ses reproches inutiles et non constructifs parviennent là où ils doivent être, les égouts. La vie est trop courte pour se laisser détruire.